Maisons à vendre

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 "Quant à la banlieue, sinistre et perdue, toutes les personnes de ma connaissance qui étaient allées y vivre avaient rendu l'âme. Le courant de la vie ne baignait jamais ces confins. il ne pouvait y avoir qu'une seule raison pour se retirer dans ces vivantes catacombes: de procréer et de dépérir. S'il était agi d'un acte de renoncement ce serait compréhensible, mais tel n'étais jamais le cas. C'était toujours un aveu de défaite. la vie devenait routine, l'espèce la plus morne de routine. Travail monotone, famille au vaste sein où se réfugier, animaux familiers de basse-cour et leurs maladies, beaux magazines d'un contenu douteux, comics, almanach du fermier. Temps interminable pour s'étudier dans le miroir. L'un après l'autre aussi régulier que le soleil de midi, les gosses tombaient de la matrice. Le loyer venait aussi régulièrement à l'échéance, ou l'intérêt de l'hypothèque. Quel plaisir de regarder poser les nouvelles canalisations! Combien passionnant de voir de nouvelles rues s'ouvrir et finalement se couvrir d'asphalte! Tout était neuf. Neuf et de pacotille. Neuf et désolé. Neuf et dénué de sens. Avec le neuf venait des suppléments de confort. Tous les plans étaient tirés pour la génération à venir. On était hypothéqué en vue de l'avenir radieux. Une course en ville et on se languissait d'être de retour dans le coquet petit pavillon, avec la tondeuse à gazon et la machine à laver. La ville était troublante, déroutante, oppressante. On acquérait un autre rythme en vivant en banlieue. Quelle importance si l'on n'était pas au courant? Il y avait des compensations telles que les pantoufles douillettes, la radio, la planche à repasser qui jaillissait du mur. Même les canalisations avaient de l'attrait."

 

Henry Miller



extrait: du livre Plexus; la crucifixion en rose










Moi dans la maison vide, dans la chambre vide je passe l'été à écouter
Cette symphonie qui était si belle et qui me rappelle un amour infini.

Moi dans la maison vide, dans la chambre vide je passe ma vie à regarder
Les oiseaux qui passent comme des menaces
Et j'entends l'automne, je n'attends personne.



Michel Polnareff

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